L'histoire de mon sourire niais
Reprenons si vous le voulez bien où nous en étions
resté, c’est à dire à cette regrettable histoire d’exhibitionnisme.
Depuis j’ai repassé un slip, et ma vie a reprit des allures de triste
normalité. Avant de venir en Irlande pour montrer mon cul, j’étais ici
pour faire un stage, et je suis sur que vous mourrez d’envie de savoir
comment cela se passe, un stage en Irlande. Ben oui, mais avant ça,
encore faut il passer le cap du premier jour.
Tout a commencé un
lundi matin de juillet, le 9 exactement. Je me suis présenté au cabinet
avec, déjà, un culot certain : pas rasé, cheveux en pétard et français
! Certains en ont rêvé, Geoffrey l’a fait.
Je suis accueilli par
la responsable des RH qui a fait une pierre deux coups (j’aurais fait
la même) ce jour était également le premier jour d’une secrétaire
juridique. « I’m so nervous» me dit-elle. « Et moi donc », me dis-je à
moi même (So am I, oui, je sais, mais ça m'était pas venu sur le coup).
Et puis arrive donc la RH, et les deux commencent à papoter. Et moi je
fais la première rencontre avec le Geoffrey Irlandais : inconsciemment,
et pourtant, j'affiche un sourire niais...mais que dis-je ? MON
sourire niais Irlandais. Ce sourire est devenu mon seul outil de
communication ici, inutile donc de vous préciser que l’on parle d’un
sourire niais de qualité supérieure, une sorte de chef d’oeuvre de la
niaiserie).
C'est à la cantine, avec un café (sans lait merci) que
l'on est accueillis, et ça re-papote tandis que moi j’affiche toujours
mon sourire niais, radieux. La nouveauté, c'est qu’on s’aventure à me
poser une question. C'est alors que je fais connaissance avec mon
second outil de communication qui deviendra mon petit classique à moi,
je veux biensur parler de mon premier « I’m sorry ??! ». Ce premier
"sorry" a un effet immédiat puisque la responsable des RH ainsi que
Miss Pipelette ont une révélation : « Where are you from ? ». « France,
moi, Paris ». Ca calme. Silence. Ce n’est plus un sourire niais qui
s’affiche alors, mais trois sourires niais. Le Français a une
réputation (incompréhensible) d’être nul en anglais. Ah ces putains de
clichés !
Puis, c’est le moment de l’affectation, je veux dire
le moment où on vous présente dans votre département. En France dans
ces moments comparables, on fait le sympa, on parle de son expérience.
Bon, déjà en français, je cassais l’ambiance quand je parlais de mon
parcours. « Qu’est ce que tu fais en ce moment Geoffrey ? » « Je fais
un M2 droit des affaires ». « Ah super ! Lequel ? » « Amiens ». « Ah ».
(Seul le juriste peut comprendre là je crois).
Ici, j’ai repris
le parti de sourire, toujours le plus niaisement possible. Secrètement,
j’espérais qu’on ne me poserait pas de question. De toute évidence, les
gens n’avaient pas été au préalablement informé que le petit frenchie
avec un problème avec la langue de shakespeare. L’avantage en revanche,
c’est qu’il me suffisait d’ouvrir la bouche pour que tout le monde le
comprenne (et j’ai pas écris « me » comprenne). Ca c’est l’efficacité
irlandaise.
J’ai expérimenté la solution de troquer le sourire
niais pour un air passionné lorsqu’une personne s’aventurait à me dire
quelques mots. J’ai pris le parti de bouger la tête au rythme du débit
de parole et les résultats sont concluants : ça marche plutôt pas mal.
La personne se sent comprise et manifestement heureuse de l’être.
Jusqu’au moment où elle te pose une question et se rend bien compte que
tu n’as rien capté du tout. Moi ça m’attriste dans ces moments là, je
suis quelqu’un de très sensible et je me dis que ça doit être frustrant
de se dire qu’on a parlé dans le vent pendant cinq minutes. Je suis un
grand humaniste moi.
Les difficultés de la présentation des collègues :
-
Les prénoms. Je me souviens que la responsable des RH m’a dit « bon je
te présente pas tout le monde dans l’open space, ce serait trop long ».
Oui, mais y’a quand meme une connasse qui s’est sentie obligée de me
tendre la main : «I’m Mairéad, how are you doin ? ». « euh*I’m sorry ?”
“Mairéad” . « ??? » “Mair ré ad” « Ah ».
- Se souvenir des prénoms.
- Gérer le sourire niais, la compréhension et l’expression. (Pas évident DU TOUT).
La découverte de son environnement de travail :
Ici,
tout est fait pour que je me sente le plus heureux du monde. En France,
une pareille situation m’aurait ravie. On m’a mis dans un grand bureau
tout seul. Il aurait été en effet dommage que je sois en open space
avec les collègues au risque de devoir parler avec eux et d’améliorer
mon anglais ! Je prends donc possession de mon outil de travail, un
Dell noir déprimant, un PC quoi.
Dans un premier temps, je fais
ce que tout stagiaire fait (sauf mes collègues de l’école du barreau,
eux quand ils arrivent, ils sont déjà sur un gros dossier décisif pour
la réputation du cabinet), c’est à dire que je vais sur internet. Et là
! Misère ! L’accès aux webmails est bloqué, idem pour MSN (suivez mon
raisonnement) idem pour MSN webmessenger (ce truc ne sert d’ailleurs
qu’aux stagiaires : il permet d’aller sur MSN sans pour autant
l’installer). Je m’en fous, moi j’ai pensé à eBuddy, le service
informatique lui n’y a pas pensé. Les onglets Google trad’ sont
installés, eBuddy est connecté et mon jeu flash avec les hamsters est
chargé...
Je suis fin prêt pour travailler.